Protéger les enfants par une action anticipatoire basée sur l'analyse de l'économie des ménages

Le récent rapport de Save the Children, "Born into the climate crisis", souligne que, par rapport à une personne née en 1960, un enfant né en 2020 sera en moyenne 2,8 fois plus exposé aux mauvaises récoltes. Les effets de la crise climatique sur la sécurité alimentaire se font déjà sentir : en 2019, une succession de saisons des pluies ratées a fait que près de 13 millions de personnes dans la Corne de l'Afrique ont été confrontées à des niveaux critiques de famine. À l'échelle mondiale, les crises alimentaires - dont beaucoup sont prévisibles - sont en augmentation, et les systèmes et financements humanitaires sont sollicités au-delà de leurs capacités.

Les effets du changement climatique devenant de plus en plus graves, il est essentiel de prévoir les crises futures et d'agir à l'avance. L'action anticipatoire est déjà considérée par de nombreux acteurs comme le moyen le plus efficace et le plus rentable d'atténuer les effets des crises et de réduire le nombre de personnes ayant besoin d'une aide d'urgence. Pourtant, cette approche reste l'exception et non la norme ; le financement des crises reste largement réactif et n'est généralement déclenché qu'une fois que des vies et des moyens de subsistance ont été perdus à grande échelle. Cela s'explique en partie par le fait qu'il n'existe pas encore de modèle éprouvé et accepté pour la mise en œuvre d'une action anticipatoire à grande échelle.

L'analyse de l'économie des ménages : un outil puissant pour l'action anticipatoire

Agir sur les prévisions et parvenir à une véritable action anticipatoire n'est possible que lorsqu'un système approprié est en place. Il s'agit notamment d'utiliser les données et les informations prévisionnelles, d'analyser les risques et de prévoir les impacts, par exemple sur la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et le bien-être des enfants. L'analyse de l'économie des ménages est un outil puissant qui peut contribuer à tout cela.

Cette méthode a été créée à l'origine par Save the Children dans les années 1990 comme outil d'alerte précoce, en raison de sa capacité unique à quantifier et à projeter l'accès des ménages à la nourriture et aux revenus. Elle nous indique si les ménages auront suffisamment de nourriture et de revenus pour répondre à leurs besoins (nourriture, moyens de subsistance et autres besoins tels que l'éducation et les soins de santé). Elle peut être utilisée à grande échelle et pour un large éventail de chocs et de scénarios : si un choc peut être prévu, l'analyse de l'économie des ménages peut modéliser son impact projeté.

En outre, l'analyse de l'économie des ménages permet de ne pas se demander quand et comment agir de manière appropriée pour atténuer une crise, car elle fournit des réponses directes aux questions des décideurs. L'analyse donne une estimation du nombre de personnes qui auront besoin d'aide pour satisfaire leurs besoins alimentaires et non alimentaires, des interventions qui pourraient soutenir ou protéger les moyens de subsistance, du montant total d'argent liquide nécessaire pour répondre à leurs besoins et des mois au cours desquels l'aide sera nécessaire.

Récemment, en Éthiopie, Save the Children a utilisé l'analyse de l'économie des ménages pour prédire comment les prévisions de pluies Gu inférieures à la normale (l'une des deux principales saisons des pluies) auraient un impact sur la capacité des familles à répondre à leurs besoins alimentaires et de bien-être dans les mois à venir. Les résultats nous ont appris que les familles seraient confrontées à des déficits de revenus et de nourriture (connus sous le nom de déficit de survie) à partir du mois de mai, ce qui signifie qu'elles n'auraient pas assez d'argent pour acheter des aliments sains pour les enfants ou pour les envoyer à l'école, ou encore pour payer les soins de santé dont elles auraient besoin. L'analyse a également révélé que cette perte de revenus était en grande partie due à l'impact des pluies inférieures à la normale sur les ventes et la production de bétail, qui sont des sources de revenus importantes pour tous les types de familles dans la zone cible.

Save the Children a mis en œuvre des actions précoces pour protéger le bétail et les revenus, afin que les familles aient de quoi se nourrir et maintenir leur bien-être pendant toute la durée du choc. À la fin du projet, une analyse sociale des coûts et des bénéfices a déterminé que pour chaque livre sterling (GBP) dépensée pour l'action anticipatoire, les ménages ciblés ont reçu en moyenne 2,58 livres en valeur sociale par rapport à une réponse humanitaire typique. Nous attribuons en grande partie la réussite de ce projet à l'utilisation de l'analyse économique des ménages, qui a permis de déterminer le moment et le type d'intervention mis en œuvre et de s'assurer qu'ils étaient appropriés.

Quelles sont les prochaines étapes de l'analyse de l'économie des ménages et de l'action anticipatoire ?

Grâce à divers projets pilotes, dont celui en Éthiopie décrit ci-dessus, nous avons appris que l'analyse de l'économie des ménages est un outil efficace pour déclencher et informer l'action anticipatoire, avec des avantages qui incluent la protection du bien-être des enfants. Et d'autres sont d'accord : cette méthode informe déjà certaines plateformes d'alerte précoce comme leur seul indicateur prédictif, y compris FEWS NET et IPC.

En outre, les partenaires d'Anticipation Hub, le Start Network et Welthungerhilfe, utilisent cette méthode pour soutenir les efforts d'action anticipatoire au Kenya et à Madagascar. Dans les deux cas, elle contribue à identifier le niveau de seuil qui déclenche des actions précoces, tout en soutenant la sélection d'actions anticipatoires appropriées. Par exemple, lors de la première mise en œuvre du protocole d'action précoces dans le nord de Madagascar, qui a utilisé des prévisions climatologiques pour projeter l'insécurité alimentaire future, l'analyse de l'économie des ménages a été utilisée pour estimer l'écart de revenu attendu pour les familles vulnérables. Elle a également permis de déterminer le montant des interventions monétaires précoces, qui ont été distribuées avant que l'insécurité alimentaire ne s'installe à grande échelle.

Cependant, la couverture des données pour cette méthode reste faible et ses analyses ne sont pas toujours mises à jour régulièrement. Pour y remédier, Save the Children et ses partenaires investissent dans l'augmentation de la disponibilité des données et des capacités techniques pour l'analyse de l'économie des ménages dans les pays exposés aux chocs climatiques, notamment en Éthiopie et dans les pays d'Afrique de l'Ouest et, plus récemment, au Kenya et en Somalie.

Save the Children est également un membre fondateur du nouvel Observatoire Jameel pour les actions précoces en matière de sécurité alimentaire, un consortium de partenaires aux capacités complémentaires qui vise à unir les données (y compris celles de l'analyse de l'économie des ménages), la science et la pratique pour prévoir, se préparer et surmonter les défis de la sécurité alimentaire et de la malnutrition liés au climat en Afrique de l'Est. Nous mettons actuellement en œuvre les projets phares de l'observatoire au Kenya et en Somalie, dans le cadre desquels nous produisons des preuves de l'efficacité et de l'efficience de l'action anticipatoire basée sur l'analyse de l'économie des ménages.