15 nov. 2021

Méthodes d'analyse des risques multirisques

Cette étude est menée par deux étudiants en master, Laura Hielkema (stagiaire au 510) et Jasmijn Suidman (chercheur junior au Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge), en collaboration avec le Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (supervisé par Catalina Jaime, responsable du climat et des conflits), et le 510. Une étude sur les méthodologies de risques multirisques a été menée dans le cadre d'un projet commandé par la Banque mondiale pour identifier les facteurs de fragilité climatique et environnementale au Burundi.

1. Introduction

La réalité des crises du COVID19 a mis en évidence une fois de plus la nécessité de considérer les catastrophes non pas comme des événements isolés et statiques, mais comme la concrétisation de l'un des multiples risques susceptibles d'affecter une zone spécifique. Les événements climatiques qui ne sont pas extrêmes en soi peuvent néanmoins avoir un impact extrême lorsqu'ils se produisent simultanément avec d'autres événements (non extrêmes). En adoptant une approche mono-aléa, on risquerait de sous-estimer le risque potentiel auquel une région donnée est confrontée. Il est donc généralement admis que la réduction des risques de catastrophe doit passer de scénarios mono-aléa à des scénarios multi-aléas. Une approche multirisque peut aider les décideurs politiques et les investisseurs à décider où canaliser l'argent et l'attention, en rendant les efforts de développement et la réponse aux aléas plus efficaces et mieux informés sur les risques.

1.1 Passer d'une analyse à risque unique à une analyse à risques multiples

Passer d'une analyse à risque unique à une analyse à risques multiples n'est pas une tâche facile, tant pour la communauté scientifique que pour les décideurs opérationnels au sein des institutions et des organisations qui gèrent et atténuent les risques. Les défis identifiés dans la littérature sont la complexité de la fragmentation des événements multi-aléas et leurs interrelations, les lacunes dans les approches multi-aléas adoptées par les différentes institutions et la complexité des événements multi-aléas qui peut conduire à une multitude de solutions ad-hoc. Ce n'est pas seulement le caractère extrême d'une variable climatique ou météorologique qui détermine l'impact, mais plutôt l'exposition et la vulnérabilité des personnes qui doivent être bien comprises.

Une approche multirisque tente d'appréhender un système complexe et non stationnaire en une seule évaluation, ce qui n'est possible que s'il existe une collaboration interdisciplinaire entre les institutions de connaissance et les organismes de prise de décision opérationnelle. Comme les impacts n'adhèrent pas aux silos, la communauté opérationnelle internationale avertit que les conséquences et les solutions multirisques ne doivent pas non plus être étudiées en silo.

1.2 Terminologie

L'analyse des risques multirisques est un terme général qui englobe l'examen des risques dans une zone géographique et à un moment donnés, ainsi que leur ampleur, la description de leur interaction et l'interprétation de leurs effets cumulés sur un groupe cible. Elle va au-delà de l'analyse d'un seul aléa et ses résultats ne sont pas seulement la somme de ses parties.

  • Leterme "multirisque" fait référence à des situations comportant plus d'un risque à la fois (qui peuvent interagir les uns avec les autres).
  • Lorsque l'ampleur du danger est particulièrement élevée d'un point de vue statistique ou dépasse un seuil spécifique, le danger est qualifié d' "extrême".
  • Les"dangers composés" constituent une catégorie spécifique de dangers multiples dans laquelle : "(a) des extrêmes qui se produisent simultanément ou successivement ; (b) des extrêmes combinés à des conditions de fond qui amplifient leur impact global ; ou (c) des extrêmes qui résultent de combinaisons d'événements "moyens""(Pescaroli & Alexander, 2018, p. 6).Dans le domaine de l'analyse des risques multirisques, l'expression "risque aggravé" est souvent utilisée en référence aux risques météorologiques et climatiques.

Il est important de noter que lorsqu'on passe d'un aléa unique à une analyse multirisque, l'échelle temporelle et spatiale du risque en question peut changer radicalement. En outre, étant donné que les aléas interagissent, la combinaison de deux ou plusieurs aléas uniques n'entraîne pas une relation linéaire avec les impacts qui en résultent.

Figure 1. Échelle temporelle et spatiale des différentes catégories de risques simples, d'après Gill & Malamud (2014).

Types d'interrelations entre les risques :

  • Indépendance -> Pure coïncidence. Superposition spatiale et temporelle des impacts de deux aléas, mais pas de relation de déclenchement ou de dépendance.
  • Déclenchement ou cascade -> Danger principal et danger secondaire. Tout danger peut déclencher zéro, un ou plusieurs dangers. Le second danger peut être identique ou différent.
  • Modification des conditions -> Un danger peut modifier la disposition d'un danger consécutif en modifiant les conditions environnementales.
  • Danger composé (association) -> Différents dangers interdépendants causés par le même événement primaire ou par des processus à grande échelle (pas nécessairement des dangers).
  • L'exclusion mutuelle ou la dépendance négative de deux risques naturels peut également se manifester.

La relation entre les dangers considérés peut influencer le choix de la méthodologie (par exemple, dangers en cascade ou dangers simultanés mais indépendants). Bien que la méthodologie choisie pour l'analyse des risques soit applicable à plusieurs types de dangers, certaines méthodologies peuvent être plus appropriées que d'autres en fonction du type d'interaction qui existe entre les dangers. Il est donc conseillé de comprendre d'abord les interrelations entre les dangers, puis de choisir la méthodologie (ou la combinaison de méthodologies) pour l'analyse des risques multirisques.

2. Méthodologies

Les méthodes d'analyse des risques multirisques peuvent être divisées en méthodes qualitatives, quantitatives et semi-quantitatives.

2.1 Méthodes qualitatives

Les aléas simultanés mais indépendants sont difficiles à quantifier car il n'y a pas de dépendance (causale, démontrée) entre les deux événements et, par conséquent, le fait qu'ils se produisent en même temps peut être la réalisation d'un processus aléatoire. Dans ces cas, le recours à des méthodologies qualitatives peut s'avérer la meilleure pratique. Les méthodologies qualitatives sont utiles pour définir l'étendue des catastrophes sur lesquelles se concentrer au cours d'une étude multirisque et pour comprendre, par exemple, quelle combinaison de catastrophes a l'impact le plus élevé sur les communautés cibles.

Desméthodologies descriptives ou anecdotiques ont été utilisées pour décrire de manière discursive la relation entre les dangers primaires et secondaires. D'autres méthodes qualitatives ne visent pas à quantifier le risque lié aux aléas multiples, mais s'appuient sur la visualisation pour fournir des informations sur les aléas qui peuvent se chevaucher dans l'espace et dans le temps ou se succéder. Les approches géographiques des aléas multicouches ont été utilisées pour identifier sur une carte les zones de chevauchement spatial potentiel des aléas (voir par exemple : Dilley et al., 2005 ; Wipulanusat et al., 2009 ; Mahendra et al., 2011).

Les méthodologies qualitatives peuvent s'appuyer sur des données historiques relatives à de tels événements simultanés, sur des connaissances d'experts et sur des entretiens. Une limite est que l'exhaustivité et la qualité des données collectées de cette manière dépendent fortement du nombre de participants et du biais de sélection de l'échantillon interrogé. La capacité de l'informateur et de l'enquêteur à comprendre le danger et à donner des réponses objectives est également considérée comme une limite.

Voir l'exemple du rapport de l'ACAPS.

L'analyse qualitative peut être traduite en résultats plus quantitatifs en facilitant la mise en correspondance entre les perceptions discursives et les mesures quantitatives telles que le classement sur une échelle. Le classement par paires est une technique couramment utilisée dans ce cas. La cartographie communautaire est également une technique souvent utilisée pour traduire les anecdotes en cartes géographiques.

2.2 Méthodes quantitatives

Les méthodologies quantitatives se concentrent sur la quantification de l'ampleur des dangers et des interrelations entre les dangers, et sont souvent utilisées pour évaluer l'occurrence de dangers potentiels en cascade en modélisant analytiquement la chaîne de cause à effet et en dérivant la distribution de probabilité de son occurrence.

Les méthodologies quantitatives se divisent en deux grandes catégories : les approches multicouches à risque unique et les approches multirisques qui intègrent les interactions entre les processus environnementaux et anthropogéniques.

2.2.1 Approches multicouches à risque unique

Les approches multicouches à risque unique se concentrent sur l'identification des zones où les risques se chevauchent. Pour ce faire, on superpose des couches de dangers. Les interrelations entre les dangers ne sont pas prises en compte, ce qui réduit la fiabilité. Cependant, il est possible d'inclure de nombreux dangers différents. Cette méthodologie est facile à comprendre, les résultats sont faciles à interpréter et permettent de traiter un grand nombre d'informations sur les risques.

Cartes de fréquence des risques

La méthodologie quantitative la plus simple pour obtenir une vue quantitative des risques multirisques est la carte de fréquence, qui vise à identifier les zones où les risques de divers dangers se chevauchent. La figure 2 montre une carte colorée avec le nombre de fois qu'un danger spécifique se produit dans une région ou à un niveau administratif donné. Lorsque l'on considère des dangers multiples, un indice de fréquence composite est calculé par la somme normalisée des composantes de fréquence individuelles, pondérée par une mesure de classement d'un seul danger.Les modifications de cette technique renormalisent par exemple en fonction de la densité de population ou de la vulnérabilité.Cette technique peut être utilisée pour identifier (de manière relative) les points chauds des catastrophes en supposant que le nombre de fois qu'une catastrophe s'est produite dans la région dans le passé est représentatif de son occurrence dans le futur. Bien entendu, cette méthode ne tient pas compte des interrelations entre les risques ni des tendances des projections futures si les risques ou les conditions qui les entourent sont dynamiques. En outre, les incertitudes ne peuvent pas être représentées dans une telle description, alors qu'elle peut être utilisée comme base pour élaborer des scénarios et informer les politiques.

Figure 2 Distribution mondiale des points chauds en fonction du nombre d'aléas renormalisés en fonction de la mortalité, d'après "Natural Disaster Hotspots : a global risk analysis" (Dilley et al., 2005).
Méthodes d'indexation des risques

Les méthodes d'indexation sont une évolution des cartes de fréquence, visant à identifier les zones exposées à plusieurs types d'aléas. Ces méthodes calculent un indice de risque composite sur plusieurs dimensions, la plus utilisée étant une combinaison d'indices normalisés comme l'exposition aux aléas et la vulnérabilité. Lorsque plusieurs dangers sont pris en compte, ils peuvent être pondérés en fonction de leur intensité, de leur ampleur et de leur fréquence. Les résultats des méthodes d'indexation des risques sont généralement visualisés sous la forme d'une échelle de couleurs sur une carte.

L'indice INFORM est l'une de ces méthodes qui calcule un indice de risque normalisé pour les crises humanitaires sur la base d'indicateurs composites de vulnérabilité, d'exposition et de manque de capacité d'adaptation. Il ne prend pas en compte les interactions entre les aléas mais permet de superposer d'autres types de catastrophes que les catastrophes naturelles, comme par exemple les conflits.

Figure 3 Cadre de l'indice composite de risque multirisque défini dans INFORM
Techniques probabilistes/statistiques

Les approches probabilistes se fondent sur la connaissance de la distribution sous-jacente des variables décrivant le danger pour déduire la probabilité que quelque chose se produise avec un certain degré de certitude. La connaissance de la distribution des variables est déduite soit des données historiques(techniques non paramétriques), soit de la théorie sous-jacente de la physique des événements(techniques paramétriques).L'exactitude de la représentation est aussi bonne que la connaissance des distributions sous-jacentes. Cela signifie que pour les événements en cascade qui ont une interconnexion physique sous-jacente (comme les inondations et les glissements de terrain ou les sécheresses et les incendies de forêt, où l'un peut être le moteur physique de l'autre), cette approche peut être très puissante et assez précise. Elle l'est moins lorsque les événements ne sont pas clairement corrélés ou lorsque les données disponibles sont insuffisantes.

En cas de pénurie de données historiques pour des risques indépendants, des méthodologies telles que la diffusion de l'information peuvent être utilisées pour calculer la probabilité de dépassement d'un paramètre donné (par exemple, la perte de vies humaines).

Les résultats d'un modèle de risque probabiliste sont normalement présentés en termes de mesures standard telles que la "perte moyenne attendue sur une période" et la "probabilité de dépassement d'un seuil (de risque) donné".Si les variables sous-jacentes peuvent être spécifiées à un niveau granulaire (par exemple à l'aide de cartes de susceptibilité), une analyse probabiliste spéciale est également possible.

2.2.2 Évaluation des risques multirisques

La littérature récente avertit que "le fait d'ignorer les interactions entre d'importants processus environnementaux et anthropiques pourrait fausser les priorités de gestion, accroître la vulnérabilité à d'autres aléas spatialement pertinents ou sous-estimer le risque de catastrophe"(Gill & Malamud, 2016, p.659). Par conséquent, lorsqu'il existe des interrelations entre les aléas, il est recommandé d'intégrer ces interactions dans l'évaluation des risques multi-aléas. Cela peut se faire en étudiant la superposition spatio-temporelle des différents dangers en utilisant des méthodes probabilistes pour déduire les corrélations entre les événements. Toutefois, par rapport aux approches multicouches à risque unique, ces méthodes sont plus complexes et leurs résultats sont moins faciles à comprendre.

Méthodes de modélisation statistique

Il existe trois approches principales pour modéliser les interrelations entre les événements : stochastique, empirique et mécaniste (figure 4). Chaque approche de modélisation comporte plusieurs sous-approches.

Figure 4 Modèles d'interrelations des risques naturels d'après la figure 7 de Tilloy et al. (2019).

Les modèles stochastiques estiment la distribution de probabilité (conjointe) d'événements multiples (composés) en tenant compte des variations aléatoires d'une ou de plusieurs variables d'entrée. L'un des grands avantages de ce type de modèles est qu'ils ont la capacité d'extrapoler au-delà de la gamme des données d'entrée. Il existe des modèles plus simples et plus compliqués, selon le degré d'explicitation de la relation entre les couples d'événements. Deux familles peuvent être définies : les modèles multivariés et les modèles de copules, ces derniers ne modélisant que la structure de dépendance, tandis que les modèles multivariés incluent également la modélisation de la distribution de chaque variable individuellement (également appelée modélisation marginale). En d'autres termes, les modèles stochastiques sont des simulations numériques d'événements, et ils peuvent modéliser au-delà des données historiques disponibles.

Les modèles empiriques sont basés sur des observations et des mesures. Ces modèles adaptent des distributions empiriques aux observations.Un inconvénient par rapport aux modèles stochastiques est que les modèles empiriques ne sont pas capables d'extrapoler au-delà des données disponibles et nécessitent donc beaucoup de données. Les modèles empiriques peuvent être divisés en mesures de dépendance et en régressions. Les mesures de dépendance se concentrent sur le degré de corrélation entre deux ou plusieurs variables. La régression mesure l'effet des changements d'une ou plusieurs variables indépendantes sur une variable dépendante. Il existe de nombreux types de modèles de régression. Les régressions sont principalement utilisées pour modéliser les risques en cascade, et les modèles de régression les plus répandus sont les régressions linéaires.

Les modèles mécanistes sont des représentations optimisées des phénomènes basées sur la représentation physique ou autrement basée sur des règles du mécanisme sous-jacent à l'événement. Dans le contexte de l'analyse multirisque, ils sont principalement utilisés pour les masses d'eau, car la mécanique des fluides peut être appliquée.Il s'agit d'une technique très puissante, car elle permet d'extrapoler au-delà de la gamme des données et de justifier physiquement les interactions entre les événements dans le cadre des hypothèses formulées pour illustrer le phénomène.

Technique des modèles graphiques probabilistes

Les modèles graphiques probabilistes sont une méthode qui utilise les probabilités pour calculer le risque.

Les arbres d'événements sont utilisés pour présenter graphiquement une séquence d'événements résultant de la catastrophe initiale. Ils sont représentés comme un processus avec des résultats binaires. Les probabilités d'occurrence et les conséquences des événements sont utilisées pour calculer le risque. Les arbres d'événements sont une méthode quantitative utile, qui intègre l'interconnexion des dangers et les probabilités des dangers. Toutefois, elle présente l'inconvénient de ne pouvoir être appliquée que sur la base d'un seul événement de départ.

Les BN sont un autre modèle probabiliste qui, grâce à sa structure graphique, permet de décrire les effets en cascade entre les dangers. Il s'agit d'une combinaison d'une approche qualitative et quantitative. L'aspect graphique se compose de nœuds et de flèches, tandis que les probabilités conditionnelles constituent la partie quantitative. Toutes les interactions possibles peuvent être incluses dans l'évaluation. En outre, les nœuds du modèle peuvent être mis à jour en permanence lorsque de nouvelles données sur les interrelations entre les dangers sont disponibles. Les réseaux biologiques sont des méthodes très prometteuses dans les domaines multirisques modernes. Cependant, l'utilisation des RB présente certains inconvénients: premièrement, les données continues doivent être transformées en données discrètes ; deuxièmement, les RB ne peuvent pas adopter la rétroaction de l'information. Deuxièmement, les RB ne peuvent pas adopter de modèles de rétroaction et la modélisation dynamique peut devenir dévoyée, car les phénomènes naturels évoluent avec le temps. Pour améliorer encore les RB, le réseau bayésien hybride (HBN) et le réseau bayésien dynamique (DBN) ont été mis au point. Les HBN mettent en œuvre un algorithme qui permet aux réseaux bayésiens de traiter à la fois des données continues et discrètes, et les DBN sont mieux équipés pour traiter les variables dynamiques.

Les techniques d'apprentissage automatique utilisent des algorithmes informatiques qui peuvent améliorer leurs performances en fonction de la disponibilité (croissante) de données (historiques). L'apprentissage automatique utilise un ensemble de données d'entraînement pour faire des prédictions. Il s'agit de faire les prédictions les plus précises ou de minimiser l'erreur d'un modèle. Habituellement, un ensemble de données est divisé en données de formation et de validation. Le plus souvent, 70 % de l'ensemble de données est utilisé pour la formation et 30 % pour la validation. Il existe de nombreux types de modèles d'apprentissage automatique, dont beaucoup reposent sur des applications combinées de méthodologies essentiellement statistiques. Ces algorithmes sont appliqués dans l'apprentissage automatique à des fins de prédiction. Les méthodologies d'apprentissage automatique sont très puissantes dans un environnement riche en données. Dans le contexte de l'analyse des risques multirisques, cela signifie que l'on dispose d'une multitude de données historiques sur les événements et les impacts, ce qui est possible surtout dans des contextes hautement numérisés. Elles peuvent donc être très puissantes, mais il faut disposer d'un grand nombre de données.

2.3 Méthodes semi-quantitatives

Les méthodologies semi-quantitatives utilisent une approche mixte, avec des éléments quantitatifs et qualitatifs dans l'analyse.

Matrice d'interaction des dangers

L'une des façons d'intégrer l'interaction des dangers dans l'évaluation des risques multirisques est d'utiliser la méthode de la matrice d'interaction (MMI). Les experts encodent toutes les relations possibles entre les dangers dans une matrice. Le risque multi-aléa est ensuite estimé en superposant toutes les informations spatiales consécutivement. La figure 5 montre les matrices d'interaction pour les risques composés et les risques en cascade séparément. Les matrices d'interaction peuvent être élaborées sur la base d'une analyse documentaire et des connaissances d'experts sur les interactions possibles entre les dangers.

Figure 5 Matrices d'interaction de Tilloy et al. (2019) pour les risques en cascade (à gauche) et les risques composés (à droite).
Cartes multirisques à superposition pondérée

Lasuperposition pondérée est une méthodologie développée pour extraire des informations à partir d'indices quantitatifs superposés et pondérés en fonction de l'opinion d'experts. La méthodologie consiste en une analyse spatiale SIG des indicateurs de vulnérabilité préexistants, de l'exposition historique aux risques naturels et de la densité historique des conflits. Chaque couche est reclassée selon un classement de risque en 5 classes, de faible à très élevé, sur la base de l'avis d'experts. La somme des couches est à nouveau normalisée dans une fourchette de 1 à 5. Le résultat produit une carte mettant en évidence les zones vulnérables et à risques multiples, en montrant la superposition de toutes les couches en 5 classes. Les zones de la "classe 5" (très élevée) sont les plus pertinentes, car il s'agit des zones géographiques les plus touchées par les conflits et les risques naturels et dont la vulnérabilité est très élevée.

Figure 6 Concept analytique d'identification et de hiérarchisation des zones à haut risque par superposition de couches
Cartes thermiques des risques

La carte des risques est une représentation visuelle des données relatives aux risques où les valeurs individuelles d'une matrice sont représentées par des couleurs qui ont une signification. La carte des risques est une visualisation d'une matrice des risques qui contient la probabilité d'un événement par rapport à l'impact qu'il aura sur le système que nous examinons (personnes ou autres biens).La couleur associée à l'élément spécifique de la matrice est choisie sur une échelle de risque où le risque est défini comme l'impact multiplié par la probabilité. Il est possible de comparer la probabilité de plusieurs dangers dans différentes zones géographiques et dans différentes populations cibles.

Figure 7 Exemple de carte thermique des risques

La voie à suivre

Même si l'on s'accorde généralement à dire que la réduction des risques de catastrophes doit passer de scénarios mono-aléa à des scénarios multi-aléas pour obtenir une compréhension globale de la zone à risque, cela ne veut pas dire que la tâche est facile. Il est conseillé de commencer par comprendre les interrelations entre les aléas avant de choisir une méthodologie appropriée (ou une combinaison de méthodologies) pour effectuer votre analyse des risques multirisques.

Pour en savoir plus

  • Delmonaco, G., Margottini, C., & Spizzichino, D. (2006) Rapport sur la nouvelle méthodologie pour l'évaluation multirisque et l'harmonisation des différentes cartes de risques naturels.
  • Dilley, M., Chen, R. S., Deichmann, U., Lerner-Lam, A. L., & Arnold, M. (2005), Natural Disaster Hotspots : A Global Risk Analysis (No. 5). Banque mondiale, voir ici.
  • Gill, J. C., & Malamud, B. D. (2014). Reviewing and visualizing the interactions of natural hazards ", Reviews of Geophysics, 52(4), 680-722, voir ici.
  • Gill, J. C. et Malamud, B. D. (2016). Hazard interactions and interaction networks (cascades) within multi-hazard methodologies ", Earth System Dynamics, 7(3), 659-679, voir ici.
  • Leonard, M., Westra, S., Phatak, A., Lambert, M., van den Hurk, B., McInnes, K., Risbey, J., Schuster, S., Jakob, D., & Stafford-Smith, M. (2013). A compound event framework for understanding extreme impacts", WIREs Climate Change, 5(1), 113-128, voir ici.
  • Marin-Ferrer, M., Vernaccini, L., & Poljansek, K. (2017). Index pour la gestion des risques : INFORM Concept and Methodology Version 2017, voir ici.
  • Nielsen, T. D., & Jensen, V. F. (2013), Bayesian Networks and Decision Graphs (Information Science and Statistics) (Corrected ed.). Springer.
  • Pescaroli, G. et Alexander, D. (2018). Comprendre les risques composés, interconnectés, en interaction et en cascade : A Holistic Framework ", Risk Analysis, 38(11), 2245-2257, voir ici.
  • Tilloy, A., Malamud, B. D., Winter, H., & Joly-Laugel, A. (2019). A review of quantification methodologies for multi-hazard interrelationships ", Earth-Science Reviews, 196, 1-20, voir ici.
  • Tsiplakidis, J., & Photis, Y. N. (2019), Multihazard Risk Assessment from Qualitative Methods to Bayesian Networks : Reviewing Recent Contributions and Exploring New Perspectives. Dans Les défis géospatiaux au 21e siècle (pp. 401-429). Springer, voir ici.