Soumis par Eddie Wasswa Jjemba avec la contribution de Lisa Thalheimer
19 mai 2022

Exploiter l'action anticipatoire pour éviter ou réduire les déplacements dus aux catastrophes

Ces dernières années ont été marquées par une augmentation du nombre de personnes déplacées par des catastrophes, souvent à l'intérieur de leur propre pays. Rien qu'en 2020, les événements météorologiques et climatiques ont entraîné le déplacement de plus de 30 millions de personnes à l'intérieur de leur pays, selon l'Observatoire des situations de déplacement interne (Internal Displacement Monitoring Centre). L'initiative Nansen décrit ces situations comme des "déplacements en cas de catastrophe" et, à mesure que le monde se réchauffe, il est de plus en plus probable que des conditions météorologiques extrêmes exposent les communautés vulnérables au risque de déplacement en cas de catastrophe, comme le prévoit le récent rapport du GIEC.

Les approches d'action anticipatoire, telles que le mécanisme d'action basé sur les prévisions de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR), offrent aux acteurs humanitaires une occasion unique de réduire la probabilité que des personnes soient déplacées en raison d'une catastrophe. Par exemple, ces approches peuvent accroître la mobilité des personnes, ce qui signifie qu'elles peuvent éviter les pires impacts des risques liés au climat en se déplaçant temporairement et en éloignant leurs biens du danger. Cela réduit le risque de déplacement à long terme.

Toutefois, à ce jour, l'action anticipatoire n'a pas été suffisamment exploitée dans le contexte des déplacements dus aux catastrophes. C'est pourquoi l'University of Oxford, la FICR et le Centre climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ont mené une étude documentaire afin d'explorer les possibilités de renforcer les liens entre l'action anticipatoire et le déplacement en cas de catastrophe. Les résultats, associés à des avis d'experts, ont été récemment publiés dans Environmental Research Letters. Nous partageons ici quelques points forts de cette étude.

L'action anticipatoire peut réduire le risque de déplacement en cas de catastrophe

Les études de faisabilité, qui ont lieu au cours des premières étapes de la mise en place d'une action anticipatoire, prennent déjà en compte le risque de déplacement dû à une catastrophe. Par exemple, ces études déterminent quelles sont les populations qui risquent le plus d'être déplacées et pourquoi. Pour s'assurer que les actions planifiées sont efficaces et pertinentes, les auteurs suggèrent de recueillir l'avis des personnes précédemment déplacées par des catastrophes (bien qu'il faille noter que cela n'est pas toujours possible).

Le protocole d'actions précoces (PAE) du Bangladesh pour les cyclones démontre l'intérêt de cette démarche en termes pratiques. Ce protocole donne la priorité aux zones dont plus de 25 % des maisons risquent d'être détruites par les cyclones, prenant ainsi indirectement en compte le risque de déplacement dû aux catastrophes. Cette recommandation est le fruit d'une série de consultations, notamment avec des personnes précédemment déplacées ; le chiffre final (25 %) a également été fixé en fonction du budget disponible et de l'ampleur des impacts anticipés.

L'action anticipatoire peut contribuer à d'autres étapes, telles que l'analyse des risques de déplacement en cas de catastrophe et la préparation (par exemple, en identifiant les personnes qui risquent d'être déplacées au cours d'une étude de faisabilité), ainsi que les réponses aux déplacements en cas de catastrophe. Les exemples suivants montrent comment cela se fait déjà.

L'action anticipatoire peut protéger les populations contre les déplacements en prévenant ou en réduisant les impacts d'un aléa sur leurs biens et leurs moyens de subsistance, ainsi que sur les services de base disponibles dans leur région. Aux Philippines, par exemple, les actions anticipatoires mises en œuvre avant les catastrophes (par exemple, les typhons) comprennent le renforcement des abris, la récolte précoce des cultures et l'évacuation. Toutes ces mesures permettent aux populations de rentrer chez elles plus rapidement après une catastrophe, réduisant ainsi la probabilité d'être déplacées pendant une longue période.

La protection des moyens de subsistance des communautés vulnérables leur permet également de choisir de quitter temporairement ou définitivement les zones fortement exposées à des risques désastreux. En Mongolie, les communautés pastorales touchées par le dzud (hiver rigoureux) peuvent réduire la mortalité du bétail grâce à des actions anticipatoires telles que des kits de nutrition pour le bétail et des transferts d'argent inconditionnels fournis à l'avance. Ces actions peuvent réduire la probabilité que les éleveurs soient déplacés à la suite de la perte de leurs troupeaux (par exemple, pour chercher une meilleure éducation ou des opportunités d'emploi).

Renforcer les liens entre les déplacements et l'action anticipatoire

Ces exemples, tous détaillés dans l'étude complète, démontrent que l'action anticipatoire peut contribuer de manière significative à la prévention ou à la réduction des déplacements dus aux catastrophes au sein des communautés vulnérables, ainsi qu'à la facilitation de leur mobilité à court terme en cas de besoin.

Cependant, il est nécessaire d'intensifier la recherche sur ce thème et de piloter d'autres actions anticipatoires dans des contextes de déplacement en cas de catastrophe. Cela nous aidera à mieux comprendre les obstacles et les possibilités d'extension des approches les plus prometteuses.

L'article scientifique complet, "The role of anticipatoire humanitarian action to reduce disaster displacement", est disponible ici (accès libre).

EAP simulation for Typhoons, Philippines. © German Red Cross

Ce blog a été rédigé par Eddie Wasswa Jjemba, Red Cross Red Crescent Climate Centre, avec des contributions de Lisa Thalheimer, Center for Policy Research on Energy and the Environment, Princeton University.